Au-delà de la polémique de la vente du Doliprane à un fonds américain, le véritable enjeu de souveraineté se situe davantage sur l’approvisionnement de son principe actif, le paracétamol. En la matière, des acteurs préparent la sortie de terre de deux usines pour un paracétamol tricolore.
La polémique autour du Doliprane a enflé ces derniers jours. En dépit des réactions politiques de tous bords, la vente de 50% de la filiale de Sanofi, Opella (qui produit le Doliprane) à un fonds américain est loin d’être l’enjeu majeur pour assurer la souveraineté de la France en matière de médicaments. L’industrie pharmaceutique nationale fabrique déjà, et en grande quantité, des substituts (UPSA et Benta) à la célèbre boite jaune, dont la production est destinée à 90% aux marchés français et belge.
« Nous avons deux des trois marques emblématiques (Dafalgan et Efferalgan) constituées à base de paracétamol. Avec elles, nous avons 22% des parts de marché en France. Nous produisons actuellement 300 millions de boîtes de paracétamol, avec du 100% fabriqué en France, et nous sommes le premier site de production. Nous avons même la capacité de monter à 450 millions de boîtes par an », vante Laure Lechertier, directrice de l’accès au marché, des affaires publiques et de la RSE chez UPSA, auprès de La Tribune.
Si le laboratoire du Lot-et-Garonne réalise toute sa production non loin d’Agen depuis 90 ans, d’autres acteurs ont pris le pas plus récemment, à l’image de Benta. Basée en région lyonnaise, la société produit un paracétamol pelliculé 500 mg depuis le début de l’été. Les fournisseurs français de médicaments finaux à base de paracétamol (pour lutter contre la fièvre et la douleur) ne manquent donc pas.
Tout l’enjeu pour eux est de s’assurer un approvisionnement français en paracétamol, le principe actif majeur commun à ces nombreuses marques. C’est sur ce point particulier que se concentrent les intérêts d’une politique nationale souveraine. Des dispositions ont déjà été prises en la matière. Or, la concrétisation se fait désormais attendre.
Deux usines en France
Parmi ces initiatives se trouve la création d’une unité de production de paracétamol par le fabricant de principes actifs Seqens, à Roussillon (Isère). Sur un investissement total évalué à 100 millions d’euros, la start-up a fait l’objet d’un accompagnement financier de la part des pouvoirs publics, de 30 à 40%, pour un objectif de 15.000 tonnes de paracétamol par an. Dans ce cadre, le géant français Sanofi s’est engagé dans la durée sur des volumes d’achats pour soutenir le lancement de la production.
« De notre côté, nous avons financé en partie la chaîne de production de Seqens et nous nous sommes engagés sur la commande de volumes à leur égard jusqu’en 2030. Nous aurons du paracétamol français produit par Seqens à partir de 2026 », ajoute Laure Lechertier d’UPSA.
Cependant, deux aspects tendent à nuancer cette approche d’un paracétamol totalement français. Tout d’abord, l’un des principes actifs clés de la composition du paracétamol de Seqens, le para-aminophénol ou PAP, proviendra de l’une de ses usines installées en Chine. Par ailleurs, Seqens appartient à un fonds d’investissement américain depuis la crise sanitaire. Le fonds d’investissement français Eurazeo a finalisé en 2021, la cession des parts qu’il détenait dans Seqens, au profit de SK Capital Partners. La production de paracétamol en Isère ne sera donc que partiellement française.
Une autre entreprise promet, quant à elle, que sa production sera totalement tricolore. Il s’agit du fabricant français Ipsophène, basé en région toulousaine. Cette start-up, dans laquelle UPSA a fait son entrée au capital, promet la production annuelle de 4.000 tonnes de paracétamol à terme.
« Nous pouvons penser que l’épisode du Doliprane a sensibilisé encore plus les Français à la problématique de souveraineté et la situation de l’industrie française… Pour ce qui nous concerne, nous sommes dans le timing annoncé. Nous allons déposer auprès des services de l’État la demande d’autorisation environnementale au début du mois de novembre. La production sera lancée dans le courant du second semestre 2025 et nous espérons une autorisation de mise sur le marché début 2026 », présente Jean Boher, le président d’Ipsophène.
Critères environnementaux
Bénéficiant d’un investissement d’environ 30 millions d’euros, soutenu en partie par le plan France 2030 et la Région Occitanie, la start-up toulousaine compte produire en continu du paracétamol grâce à un procédé qui se veut aussi innovant sur le plan environnemental.
« Il n’est plus possible de ne pas nous soucier de l’origine de nos approvisionnements. Quand la Chine produit un kilo de paracétamol, leurs procédés génèrent 200 kilos de déchets. Nous, nous générons seulement six kilos de déchets, et aucun déchet ultime, pour un kilo de paracétamol produit », se félicite l’entrepreneur toulousain.
Dans un secteur très concurrentiel au niveau international, les acteurs européens, voire français, ont fait le choix de l’innovation et de l’exemplarité environnementale pour se démarquer. Pour la direction d’Ipsophène, c’est même la condition première pour une industrie française pérenne. Dans cette optique, plusieurs acteurs de la pharma, comme UPSA, Benta, Ipsophène, Seqens ou encore Synerlab, militent auprès des pouvoirs publics pour un système de bonus-malus du médicament, en fonction du pays d’origine et de son empreinte carbone.
« Nous demandons à ce que le prix des médicaments intègre des éléments de localisation et de performance environnementale. Moins l’empreinte carbone sera élevée, plus le bonus sera important. L’objectif est de pouvoir se différencier des médicaments qui sont importés ou des sites qui utilisent des procédés plus émetteurs. L’Etat français a lancé une méthodologie de calcul de l’empreinte carbone des médicaments début 2024. Maintenant que nous avons cette méthode de calcul, utilisons-la pour que cela se répercute dans le prix », défend Gildas Barreyre, le secrétaire général de Seqens.
L’enjeu du prix
Concrètement, ces acteurs demandent un prix du médicament plus élevé pour un médicament vertueux et produit en France, et un prix de vente plus faible pour des médicaments à l’empreinte carbone peu exemplaire. Sur le plan politique, des dispositions ont déjà été prises en ce sens, à l’image de l’article 65 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2022. Pour rappel, il demande à tenir compte de la « territorialité » d’un médicament pour en fixer son prix.
« L’ancrage territorial doit être reconnu dans le prix de vente. Nous vendons notre boîte de médicament à base de paracétamol à 76 centimes hors taxe, pour autant nous devons assumer nos coûts de production et être rentables. Augmenter notre prix de quelques centimes n’est pas une demande inconsidérée », met en garde Laure Lechertier.
La directrice de l’accès au marché, des affaires publiques et de la RSE des laboratoires UPSA se pose ainsi la question de savoir comment valoriser une production « 100% Made in France dans l’industrie pharmaceutique ». « Nous exportons actuellement 57% de nos volumes et nous en avons besoin car ce sont les marchés étrangers qui assurent la rentabilité de nos usines françaises », détaille-t-elle.
La dirigeante appelle aussi à une baisse significative de la clause de sauvegarde. Cette taxe sur le secteur pharmaceutique est calculée selon un pourcentage du chiffre d’affaires des laboratoires quand le montant total des ventes de médicaments en France dépasse les objectifs annuels fixés par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). L’enjeu selon l’industrie est d’éviter un nouvel épisode comme Rhodia. En 2008, cet acteur français, qui était alors le dernier à produire du paracétamol dans l’Hexagone, avait décidé de délocaliser sa production en Chine en raison de la politique fiscale et du coût du travail.
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